On peut constater sur ce plan que le château n'est pas dessiné avec les deux extensions latérales que nous observons aujourd'hui, en retrait par rapport à la façade coté cour. Ceci accrédite la thèse d'un agrandissement au XIXième siècle. Le porche côté cour est dessiné et on peut observer une excroissance semblable côté jardin. Il peut s'agir du balcon que nous observons aujourd'hui.
Le parc du château (parcelle 716 du cadastre), qui faisait 1 hectare, 31 ares, 77 centiares, était délimité en 1834 : au nord par le chemin Coutant (aujourd'hui rue de Soisy), au sud et à l'est par le Chemin du bois Jacques. De l'autre côté du chemin Coutant une allée bordée d'arbre conduisait à l'accès sur la rue de Paris. De part et d'autre de cette allée se trouvaient vergers et potagers. Aujourd'hui ce parc sert de cadre à la résidence du bois Jacques, mais une partie des arbres séculaires existe encore.
Le Sage d'Eaubonne
C'est dans ce cadre enchanteur que Saint-Lambert passa les dernières années de sa vie et y écrivit, au moment de la révolution, le « Catéchisme universel », œuvre philosophique en trois volumes qui fut publiée en 1798 et qui lui valut, à titre posthume en 1810, le grand prix de morale de l'Institut de France. Il était appelé par Marmontel « le sage d'Eaubonne ».
On peut lire sous la plume de Lefeuve, à propos de Saint-Lambert :
« Le charme de son débit, son rare sentiment des convenances, ses brillantes qualités d'homme du monde tenant maison ouverte, lui conservaient entière, inexpugnable, son influence au sein de l'Académie, dont il était le directeur.
Quand celle-ci fut fermée, en 1793, il s'enferma étroitement à Eaubonne, et c'est alors qu'il fit paraître son poème, ses Mémoire sur la vie de Bolingbroke, etc. La vieillesse d'abord, puis aussi la révolution, forçaient trop notre poète à regretter le passé, pour qu'il n'eût pas en ce temps là l'humeur difficile, acariâtre. Sa santé chancelait; son esprit, lui aussi, supportait des infirmités aussi cruelles que celles du corps; en un mot le vieillard ne voulait pas tomber en enfance sans lutter. Au mois de janvier 1803, l'Académie était reconstituée comme section de l'Institut, et c'était un projet dont, depuis trois années, Saint-lambert et quelques collègues avaient courageusement tenté l'exécution. Le poète des saisons mourut, mais douze jours après qu'il eut été nommé membre de l'institut, à l'âge de 86 ans. »
Malade, Saint-Lambert fut accueilli en 1794 à Sannois, chez le Comte et de la Comtesse d'Houdetot, où il mourut le 9 février 1803, terrassé par une épidémie d'influenza.
Les propriétaires après la révolution
Le 3 Floréal an IV (1796) la maison quittée par Saint-Lambert fut vendue par le troisième fils de Joseph-Florent Lenormand de Mézières, Ange Lenormand, à la citoyenne Edmée Marie DARET, veuve de Nicolas Pierre DENOUX, habitant à Paris, avec la description suivante :
« maison bourgeoise ayant son entrée par une grille donnant sur le chemin neuf, précédée d'une cour à droite où existent une remise, un logement de jardinier, écurie, grenier au-dessus et fosse d'aisance et d'autre part une basse-cour composée d'une autre écurie, une étable à vaches et chambres au-dessus avec greniers.
Le principal corps de logis consistant:
- au rez-de-chaussée d'un vestibule, une salle-à-manger ayant issue sur le jardin, un salon, trois cabinets, une chambre à coucher et garde-robe ; - au 1er étage, 4 chambres, 6 cabinets et une garde-robe et un grenier et deux petites chambres au-dessus ; au-dessous une cuisine, office, cave, bûcher attenant ;
- deux jardins clos de murs et un verger clos de hayes vives de 4 arpents ;
- plus une avenue vis à vis de la maison s'étendant jusqu'au grand chemin en face de la grille d'entrée.
Renée Thomas complète ces informations : Des précisions concernant ses dimensions nous sont fournies en Messidor an IV : 49 pieds 6 pouces de long sur 26 de haut. De plus les croisées et porte-vitrées fermées de contrevents et persiennes sont en mauvais état. Un puits à potence de fer a trois branches et un potager en face du bâtiment est planté d'arbres fruitiers et de charmilles. Maints autres détails nous sont donnés. L'ensemble est évalué alors 15 000 livres .
Au XIXième siècle : Le Château Coutan
Le 2800 février 1800 (9 Ventôse An VIII), Le Comte Michel-Louis-Etienne Regnault de Saint-Jeand'Angély, conseiller d'État, procureur général près de la Haute-Cour et membre du corps législatif, acheta le château. Comme Saint-Lambert il fut élu membre de l'Académie Française. En 1806 il échangera cette maison et quelques terres avec une propriété appartenant à Monsieur Louis Joseph Augustin Coutan, qui fut maire d'Eaubonne de juillet 1812 à octobre 1815 et mourut en 1830.
Lefeuve, dont le grand oncle, Monsieur Habert, résidait l'été au « château mignon de Saint-Lambert », décrit en 1856 la vie eaubonnaise au début du XIXième siècle :
« Eaubonne n'avait pas cessé d'être un village très mondain : il y avait alors réunion tous les soirs, dans un des salons hospitaliers, et la maison académique, sentinelle avancée d'Eaubonne, donnait à merveille le mot d'ordre ; elle éclairait souvent son rez-de-chaussée historique, pour y faire danser la vallée du XIXième siècle. On en sortait après minuit, qui en voiture, qui à pied, et des caravanes de piétons, avec une lanterne pour tout phare, gagnaient souvent l'extrémité d'Eaubonne, quelquefois même Margency et Soisy. »
Les propriétaires furent ensuite :
1830-1838 : Lucie Hauguet, veuve de Monsieur Coutan
1838-1846 : Ferdinand Hauguet, frère de Madame Coutan
1846-1866 : Jacques François Billard;
1866-1884 : sa veuve Louise Mill
1884-1890 : les neveux Mill
1890-1912 : Cléomène-Joseph-Édouard Dumont
Certains affirmèrent, sans fournir de preuves, que la maison de Saint-Lambert fut complètement transformée et peut-être même rasée du temps de Jacques François Billard.
Il faut cependant noter que Lefeuve précise :
« M. Coutant, un peu plus tard, a laissé la maison de Saint-Lambert, comme héritage, à Mme Auguet, et c'est M. Billiard qui en a fait, depuis, l'acquisition. Comme elle tombait en ruines, M. Billiard l'a remise à neuf, et a profité de la circonstance pour l'agrandir. Les dispositions intérieures la font, plus que jamais, pleine d'agréments. »
Armand de Visme, dans son « Essai historique sur Eaubonne » publié en 1914, écrit en note en pied de la page 64 : « Cette maison, restaurée avec beaucoup de goût par M. Dumont, existe toujours ainsi que celles de la Cour-Charles et du Petit-Château ».